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BURNOUT d'Alexandra Badea

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Message par Aymeric Ven 10 Juin - 17:38

Alexandra Badea née en 1980 en Roumanie, est une écrivaine et metteuse en scène , elle écrit en langues française et roumaine.

Elle vit depuis 2003 à Paris. Elle écrit dans un français très maîtrisé. Elle a suivi une formation de metteur en scène à Bucarest. Ses premières pièces ont paru ensemble en 2008 : Contrôle d'identité, Burnout et Mode d'emploi, primée aux journées de Lyon des auteurs de théâtre  en 2008. En parallèle, elle poursuit une carrière de metteur en scène, aussi bien en France qu'en Roumanie, montant par exemple en 2010 à Bucarest la pièce , tara mea [mon pays]

ENTRETIEN :

Les Trois Coups.— Votre précédente pièce Burnout (L’Arche éditeur) traitait déjà de l’épuisement et de la perte de sens dans l’entreprise. Comment vous est venue l’idée d’écrire Pulvérisés, cette pièce sur les effets de la mondialisation sur les travailleurs ?

Alexandra Badea. — En 2011-2012, j’étais en résidence à Saint-Priest (69), ville d’implantation des usines Renault Trucks. Les ouvriers assemblaient alors des pièces de moteur produites dans différents pays du monde. En approfondissant mon travail de recherche, j’ai développé à partir de cette idée.

Les Trois Coups. — Les personnages de Pulvérisés travaillent dans quatre pays différents : Chine, France, Roumanie et Sénégal. Pourquoi ces quatre pays ?

Alexandra Badea. — Je connais la France, où j’habite, et la Roumanie, d’où je viens et où j’ai vécu vingt-trois ans. Le choix de la Chine était évident : nombre de nos produits sont étiquetés « made in China » et j’avais en tête les suicides dans les usines Foxconn, ces sous-traitants d’Apple en Chine. Au cours de mon travail préparatoire, j’ai visionné plusieurs documentaires dont China Blue [de Micha Peled (2005) sur les conditions de travail dans une usine textile des environs de Canton] ainsi qu’un reportage sur un call-center à Dakar. Ma fiction s’inspire de ces faits réels, entre autres des conditions des salariés de ces call-center sénégalais, qui déjeunent plus tôt que leurs compatriotes pour adopter les horaires français, regardent des programmes français, parlent avec un accent français, en bref sont tenus de passer pour des Français.
J’ai également pensé à situer l’action au Brésil et en Inde, mais je voulais approfondir chaque personnage. Il ne s’agissait pas pour moi de dénoncer les conditions de travail, mais d’explorer les rapports entre les vies intimes et professionnelles dans nos sociétés mondialisées.

Les Trois Coups. — Qu’est-ce qui, selon vous, rend l’articulation entre vie professionnelle et intime difficile aujourd’hui ?

Alexandra Badea. — J’ai fait passer des questionnaires à différentes catégories de personnes : à des lycéens, des seniors, etc. La dématérialisation semble être une donnée qui rend particulièrement difficile la vie professionnelle. Les collègues ne sont pas toujours situés à proximité et, de ce fait, il n’y a plus forcément d’espace où l’on parle justement autre chose que du boulot. De plus, même lorsque les collaborateurs sont situés sur un même site, ils ne communiquent plus forcément de vive voix : ils se téléphonent, s’envoient des mails. Les corps sont dématérialisés et la notion d’« espace » est devenue floue. Un médecin du travail m’a expliqué qu’il traitait beaucoup plus de problèmes psychologiques que d’« accidents du travail » à proprement parler.

Les Trois Coups. — Vos personnages travaillent autour d’un même produit : une box internet. Pourquoi le choix de cet objet ?

Alexandra Badea. — En choisissant un objet que chacun possède, je rappelle implicitement que nous sommes tous complices des situations dans lesquelles se trouvent ces quatre travailleurs. D’ailleurs, ces derniers sont également en partie responsables du système, par leurs mesquineries et leur compromission. Ce ne sont nullement des héros. Or, j’estime qu’il doit être possible de ne pas se laisser écraser et de ne pas laisser écraser les autres…

Les Trois Coups. — Votre écriture est très rythmée, saccadée : on pense aux bruits de l’usine des Temps modernes de Chaplin. Comment écrivez-vous ?

Alexandra Badea. — J’ai rédigé en un mois, après un an de travail préparatoire. J’enregistre ce que j’écris puis je m’écoute, afin que le texte ait du rythme.
Je voulais par l’écriture donner l’impression que mes personnages sont toujours en mouvement. En outre, comme ils n’ont pas toujours le temps et la disposition mentale pour s’exprimer à la première personne, ils adoptent souvent le « tu », ce « tu » utilisé lorsque l’on s’observe de l’intérieur, que l’on est divisé. Mes personnages hésitent beaucoup.

Les Trois Coups. — Quels liens avez-vous vous-même avec l’entreprise ?

Alexandra Badea. — Ayant eu pendant longtemps peur du monde de l’entreprise, j’ai fait le choix de l’éviter. En effet, j’ai du mal à comprendre d’où les gens tirent la force de se réveiller tous les jours pour subir l’appareil bureaucratique, les rapports de domination, ainsi que la pression du temps. Je n’arriverais pas à supporter tout cela.

Aymeric

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Date d'inscription : 10/06/2016

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